Débloquez votre capacité à gribouiller ! Interview avec Béatrice Lhuillier

Les Joyeux Gribouilleurs x Béatrice Lhuillier
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Bonjour à toutes et à tous ! Aujourd’hui je vous propose un nouveau podcast et pas des moindres : il s’agit en effet d’une interview de Béatrice Lhuillier, facilitatrice graphique reconnue et formatrice à succès. Elle a formé plusieurs centaines de personnes au sketchnoting. Elle en a touché des milliers d’autres en organisant l’année dernière un premier sommet online de la pensée visuelle. Et elle organise cette année l’International Sketchnote Camp. Et oui : elle partage avec vous ses astuces, ses convictions, ses projets et ses conseils pour débloquer votre capacité à gribouiller ! 😀 (Durée d’écoute : 45 min. 53s. La transcription écrite de cette interview est également disponible dans la suite de cet article. Temps de lecture : 25 minutes)

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Je vous mets également les liens pour retrouver toutes les références liées à cette interview :

Joyeux podcast et bonnes gribouilles !
Laurent 🙂

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PPS : Faîtes-leur plaisir ! Partagez cette interview à toutes vos connaissances susceptibles de l’apprécier 🙂

Transcription texte de cette interview de Béatrice Lhuillier :

Béatrice Lhuillier : Bonjour à tous !

Les Joyeux Gribouilleurs : Merci d’avoir accepté cette interview Béatrice. Alors, une question simple aujourd’hui pour commencer : Qui es-tu ?

Béatrice Lhuillier : Je suis Béatrice Lhuillier, je suis à l’initiative d’un site qui s’appelle Sketchnotes facile. Je suis facilitatrice graphique. J’interviens dans des groupes pour les aider à accoucher de leurs idées en utilisant le visuel. Donc je vais utiliser différentes astuces, différents outils, pour leur permettre de mettre au jour leurs idées sur des projets, etc. Je peux aussi être amenée à utiliser la pensée visuelle dans plein de domaines différents, mais on y reviendra un peu plus tard dans l’interview.

Les Joyeux Gribouilleurs : Donc c’est ton métier aujourd’hui, tu te définis comme une facilitatrice graphique ?

Béatrice Lhuillier : Tout à fait.

Les Joyeux Gribouilleurs : Et comment devient-on facilitatrice graphique ?

Béatrice Lhuillier : Je ne sais pas s’il y a un parcours type. De tous les facilitateurs graphiques que je connais, parce qu’il y en a de plus en plus, je crois qu’il n’y a pas un parcours et c’est ce qui est sympa. Il y a des gens qui vont venir du dessin par exemple, qui ont un coup de crayon à la base et qui vont se former à l’animation de groupe, se former au scribing, ce qui est la retranscription en temps réel d’un événement mêlant des éléments visuels et textuels.

Donc il y a des gens qui viennent de l’univers du dessin, mais il y a aussi des gens qui à un moment donné se rendent comptent de l’intérêt et du poids de la pensée visuelle pour mieux former, pour mieux communiquer, pour mieux transmettre tout simplement une information, pour mieux travailler, pour mieux mémoriser, et qui vont s’intéresser à ces pratiques là et vont se former soit avec moi, soit avec d’autres.

Moi je suis tombée un peu par hasard là-dedans. En constatant de mon côté des problèmes de mémorisation, je me suis rendu compte que la pensée visuelle m’aidait à mieux mémoriser, et que la pensée visuelle avait d’autres atouts, comme je viens de le dire, comme mieux communiquer, mieux former, mieux enseigner, mieux mémoriser, etc. On constate qu’il y a vraiment de tout, c’est ça qui est extraordinaire dans cette communauté-là, il y a des gens qui sont salariés, des gens qui sont freelance, il y a des fonctionnaires, des profs, des mamans, des papas, des managers, des chefs d’entreprises, il y a vraiment tout ce qu’on veut. Ce qu’on constate c’est que ça intéresse tout le monde parce que c’est efficace et parce que c’est fun !

Les Joyeux Gribouilleurs : Et bien en tout cas, tu es bien une preuve vivante qu’on peut se lancer dans la facilitation graphique sans savoir dessiner au départ 🙂

Béatrice Lhuillier : Absolument. J’ai pris mon premier cours de dessin en 2017 et ça faisait plusieurs années que j’œuvrais dans le sketchnoting. En fait ça ne m’a pas empêché de sketchnoter, de ne pas savoir dessiner à la base. Effectivement, on va entraîner son trait quand on cherche à sketchnoter ou à scriber, on va chercher à savoir représenter des objets etc., mais on sait qu’avec des traits très simples on peut représenter des choses parfois très complexes.

Après, quand on a le souci du beau, quand on veut représenter très fidèlement un objet, alors c’est intéressant de savoir dessiner. Moi je m’entraîne un peu tous les jours, je sens bien que mon trait s’améliore, mais ça ne m’a pas empêché de sketchnoter pour autant. Il y a vraiment deux écoles là-dessus. Quand on préparait cette interview tu me parlais du livre d’Etienne Appert, lui c’est vrai qu’il vient du dessin, il a un coup de crayon extraordinaire, tu feras peut-être référence à son ouvrage sous cette interview…

Les Joyeux Gribouilleurs : Oui, je le mettrai en référence effectivement…

Béatrice Lhuillier :  Il est illustrateur, dessinateur, etc. On peut aller sur cette voie-là, si ça nous plaît et c’est tant mieux, et c’est mon cas, ça me botte bien d’améliorer ma façon de dessiner. Mais tous les gens que je vois en formation avec moi me disent souvent : « je vous préviens, je ne sais pas dessiner et j’écris comme un médecin ». Je leur dis que ce n’est pas grave. Et à la fin de la journée, force est de constater qu’ils se sont très bien débrouillés à sketchnoter, même si ce ne sont pas des as du dessin. Finalement, avec peu de choses on s’en sort très très bien.

Les Joyeux Gribouilleurs : J’ai un peu tendance à dire que le sketchnoting et les petits dessins c’est un peu comme apprendre à écrire finalement.

Béatrice Lhuillier : Oui, c’est ça.

Les Joyeux Gribouilleurs : C’est une nouvelle langue avec de nouvelles lettres. Et comme quand on est petit, on n’arrive pas bien à faire au début, c’est pas très beau, et finalement au fur et à mesure qu’on pratique, c’est plus facile et on associe le geste du poignet à ce qu’on peut entendre pour en faire des dessins. Et comme pour apprendre à écrire : il ne faut pas s’attendre à savoir le faire en deux heures. Au début c’est normal si on n’est pas très sûr de soi mais ça s’améliore au fur et à mesure.

Béatrice Lhuillier : Oui oui c’est ça, et puis il y a des dessins qu’on va faire une fois, deux fois, trois fois, et évidemment la troisième fois il est plus réussi que le premier. Ce que je conseille aux gens qui sont en formation avec moi, c’est d’avoir toujours un petit carnet avec eux. Ainsi quand on tombe sur une icône qui nous plaît bien on la dessine et on va enrichir ainsi son vocabulaire graphique. On sera au fur et à mesure plus à même de représenter un mot ou autre grâce à un dessin qui sera très simple.

La plupart du temps on n’a pas besoin de choses extrêmement compliquées. Je pense que c’est une pratique qui est ouverte à tous. D’ailleurs, moi ça fait partie de mon credo. J’ai encore reçu un message ce matin d’une personne qui m’a dit : « Dorénavant, quand je suis en réunion, je suis en capacité de faire des petits dessins pour faire comprendre des concepts. C’est grâce à toi et je t’en remercie ». Quand je reçois des textos comme ça, c’est la fête, ça veut dire que j’ai débloqué quelque chose. Je me vois vraiment comme une débloqueuse.

Je sais par expérience que tout le monde en est capable. Mon rôle c’est de débloquer et de permettre à tout un chacun d’accéder à cette partie de soi qui consiste à représenter avec des petits dessins, des petites choses, parfois des éléments très complexes et des notions, des concepts. Mais on y arrive toujours. Et moi je débloque (rires).

Les Joyeux Gribouilleurs : Combien de personnes est-ce que tu as débloqué jusqu’à maintenant ?

Béatrice Lhuillier : Je dirais plusieurs centaines ça c’est sûr, parce que j’ai fait beaucoup d’ateliers pour faire connaitre mes activités, puis ensuite des ateliers payants. On m’appelle aussi pour faire des formations dans les entreprises et les organisations.

Les Joyeux Gribouilleurs : On n’est peut-être pas loin du millier ?

Béatrice Lhuillier : Oui, je pense qu’on ne doit pas être loin du millier, avec les formations en ligne, sans doute plus. J’avais organisé l’année dernière le sommet de la pensée visuelle. On a eu 3.200 inscrits, sachant que les personnes se sont inscrites en moyenne à 6 ou 7 conférences, on a eu plus de 20.000 inscriptions. Je me doute bien que tous ne se sont pas mis à utiliser la pensée visuelle. Après j’ai vendu mes formations en ligne plusieurs centaines de fois. C’est compliqué de mettre un chiffre mais à titre personnel avec les formations que j’anime, à peu près un millier, et puis il y a toutes les personnes qui se sont intéressées à ce sujet et où j’ai juste planté une petite graine pour leur donner envie d’aller plus loin (rires).

Les Joyeux Gribouilleurs : Il y a aussi celles et ceux qui ont lu ton livre, tu sais combien de personnes ?

Béatrice Lhuillier : Si, là il est en rupture, il avait été édité à 3.200 ou 3.500 exemplaires au moins, encore une petite graine (rires).

Les Joyeux Gribouilleurs : Bravo pour tout ça en tous cas ! Pour ma part, j’ai l’impression que tout le monde a envie de dessiner et quand tu débloques une personne, j’ai l’impression que tu leur permets d’aller vers cette envie qu’on a tous. Tu n’as jamais rencontré quelqu’un qui te dise « je n’ai pas envie de dessiner » ?

Béatrice Lhuillier : Non, ça ne m’est jamais arrivé, parce qu’une personne qui s’inscrit à une formation de ce type-là n’a pas été forcée de venir.

Les Joyeux Gribouilleurs : Même en entreprise ?

Béatrice Lhuillier : Non, même en entreprise, en général c’est des formations qui sont plutôt classées dans le développement personnel etc., donc les gens ne sont pas forcés de venir. Mais j’ai toujours en tête ce monsieur qui est arrivé une fois et qui m’a dit littéralement « je ne sais pas dessiner et j’écris comme un médecin ». Je vais le dire comme je l’ai vécu : il faisait la gueule, et intérieurement je me disais « ce n’est pas possible, ce monsieur a payé sa place, il est là devant moi et il est en train de me pourrir ma session ! » Mais à force d’aller vers lui et d’essayer de comprendre, j’ai compris qu’il s’agissait de blocages parce qu’il estimait qu’il ne savait pas dessiner. Et à force de petits exercices, il s’est rendu compte qu’il savait faire des choses.

Et vous savez tous dessiner. Puisqu’à partir d’une feuille et d’un feutre, si on vous explique deux ou trois bricoles, vous arrivez parfaitement à dessiner des choses simples ou des choses un peu plus compliquées. On s’est juste arrêté de dessiner, pour la plupart d’entre nous, vers l’âge à peu près de 7 ans. Parce qu’on sait aujourd’hui, que c’est l’âge à partir duquel on se rend compte en tant qu’enfant du regard de l’autre sur nos productions.

Avant ça, avant l’âge de 7 ans, on se fout de savoir de ce que pensent les autres, on dessine. À la maternelle, les gamins prennent des feutres et ils y vont, ça ne ressemble à rien, ce n’est pas grave. Le poussin il a des jambes de 3 km de long, ce n’est pas grave, c’est un poussin. « Comment tu ne reconnais pas que c’est un poussin ? Mais bien-sûr que c’est un poussin, puisque j’ai dit que c’était un poussin ! ». Et à partir de 7 ans, il y a un truc qui se fait, vraisemblablement dans la construction du cerveau je suppose, qui fait que notre rapport à l’autre change. On appelle ça l’âge de raison et ce n’est pas pour rien, et on se rend compte du regard de l’autre. Et si à ce moment-là il y a un proche, des parents ou un ami qui vous dit : « qu’est-ce que c’est que ça, ça ne ressemble à rien ! », c’est foutu et derrière on arrête.

Et je me souviens d’avoir raconté ça dans un groupe que je formais, et il y avait un monsieur qui était très bon en dessin, qui faisait de l’illustration. Ce n’était pas son métier premier mais il illustrait des livres. Et il m’a dit : « Tu sais, Béatrice, quand tu as raconté cette anecdote, ça a fait tilt chez moi parce que je me souviens exactement du jour où s’est arrivé pour moi. Par contre, je ne me suis pas arrêté de dessiner. Mais j’ai commencé à dessiner tout seul dans mon coin et je ne montrais plus ce que je dessinais ». Et c’est ce qui a fait qu’il a continué et que 30 plus tard il avait un coup de crayon qui était juste exceptionnel.

C’est bien la preuve qu’on démarre tous pareil et qu’à un moment donné il y a un truc qui se passe et qu’on s’arrête. Alors, à l’âge de 7 ans il y a une barrière, mais ça peut être un peu plus tard. Je me rappelle d’un ami qui avait un coup de crayon extraordinaire au collège mais il n’en a jamais rien fait. Il ne l’a pas travaillé. Et aujourd’hui il n’est pas du tout dans ce domaine là. C’est bien la preuve aussi que tout est une question d’exercice. Et ce que je trouve rassurant c’est qu’avec la plasticité cérébrale, on peut apprendre à dessiner à tout âge. J’ai une maman qui a appris la peinture à l’âge de 60 ans et qui 17 ans plus tard, fait des aquarelles absolument fabuleuses. C’est bien la preuve qu’on peut apprendre à tout âge.

Les Joyeux Gribouilleurs : Comme tu le dis, il y a cette notion de surmonter un blocage qu’on hérite de quand on était petit.

Béatrice Lhuillier : Il y en a un premier à 7 ans et ça peut venir aussi après. Mais il faut dire aussi que le dessin n’est pas spécialement valorisé dans notre société. Quand on dessine et qu’on gribouille, c’est que t’es pas en train d’écouter ce qui est en train d’être dit. Sauf qu’aujourd’hui on sait que gribouiller ça aide à mieux mémoriser.

Les Joyeux Gribouilleurs : Donc, à tous les auditeurs : allez-y, surmontez votre petit blocage, entrainez-vous et vous allez voir, vous allez y arriver ! 🙂

Béatrice Lhuillier : Absolument, ça c’est garanti !

Les Joyeux Gribouilleurs : Le sketchnoting, le gribouillage n’est pas forcément reconnu dans notre société. Mais ma conviction c’est que ça pourrait bien changer le monde du travail. Dans l’entreprise aujourd’hui, vous avez ceux qui expliquent et ceux qui prennent notes, mais on ne fait pas beaucoup d’efforts à la façon dont on va communiquer les choses ou à la façon dont on s’assure que tout le monde a bien compris, est bien aligné, etc., et je pense que ça produit des gaspillages fantastiques en termes d’énergie, d’explications, de mésentente, etc. Et donc ma conviction est simple : si tout le monde gribouillait on s’en sortirait un peu mieux, on se comprendrait beaucoup mieux. Et il y a aussi une dimension plus joyeuse qui fait défaut dans les entreprises. Moi c’est une de mes convictions, est-ce que tu la partages ?

Béatrice Lhuillier : Je constate quand même que ça commence à venir et qu’on commence à prendre conscience de l’intérêt du visuel en général pour mieux faire passer des messages, pour être mieux compris, pour mieux apprendre aussi. C’est lent, mais ça commence à venir. Si vous êtes déjà convaincu(e) de ça, il y a un boulevard qui s’ouvre. Dans les entreprises par exemple, on s’est rendu compte qu’on utilisait PowerPoint à mauvais escient. Qu’il était préférable de mettre une grosse image et un mot clé plutôt que des listes à puces que personne ne lit. Cela fait partie de la prise de conscience que le visuel est très fort et très efficace s’il est bien utilisé. Après, tout ce qui est sketchnoting, scribing, ça fait son chemin, et tous les jours on constate que ça apporte beaucoup, en termes de relation entre les gens. Il y a un côté ludique, sympathique, qui est indéniable. Et comme en plus c’est efficace, il n’y a pas de quoi s’en priver (rires) ! Tous ceux qui ont tenté l’expérience ont tiré tellement de bénéfices que ça serait dommage de pas le tenter.

Les Joyeux Gribouilleurs : Il faut en avoir fait l’expérience pour s’en convaincre. J’ai animé plusieurs sessions de formation où je me présente comme un joyeux gribouilleur au début de la formation, et à la fin de la formation, avec les différentes synthèses visuelles et autre, les participants me disent « au début, ton truc de gribouillage je n’y croyais pas, et quand je vois finalement les synthèses que ça permet de faire, je suis assez bluffé ! ». C’est vrai que le mieux c’est quand même de l’expérimenter.

Béatrice Lhuillier : Absolument ! Et souvent, quand je me qualifie de débloqueuse, c’est vraiment ça, c’est faire prendre conscience aux gens qu’ils peuvent dessiner, leur donner la méthode pour y arriver plus vite, et qu’à la fin ils se rendent comptent de ce qu’ils sont capables de faire.

C’est pour moi magique à chaque fois, quand à la fin ils sont tellement fiers de montrer ce qu’ils ont réussi à faire et qu’ils disent « c’est hallucinant, j’aurais jamais cru possible », ça donne une telle force, c’est tellement chouette !

Quand on avait organisé le premier sommet online de la pensée visuelle, j’avais donné aux intervenants ma vision. Je leur ai dit, je voudrais qu’à la fin de l’évènement les gens se disent : « ça marche à la maison, en entreprise, à l’hôpital, à l’école, ça marche pour les enfants, les adultes, ça marche pour les séniors, pourquoi pas moi ? ». C’était le seul truc que j’avais en tête, c’est qu’on crée ensuite une sorte de mosaïque de conférences en ligne, et qu’à la fin, quand ils ont vu ça, qu’ils se disent « allez, on y va, on ne peut pas faire autrement ! ».

Ceux qui tentent, même si c’est maladroit, même si le dessin n’est pas terrible, même si la première sketchnote est super naze, auront fait le premier pas que 99% des personnes n’ont pas fait. Et d’autres tombent dessus, même si c’est maladroit, ils vont se dire « ah mais c’est génial, je peux prendre une photo ? » Après il ne reste plus qu’à vous entraîner. C’est le premier pas qui compte, mais comme dans tout d’ailleurs !

Les Joyeux Gribouilleurs : Et toi, est-ce que tu as un sketchnoteur ou une sketchnoteuse qui t’as inspiré, que tu admires plus que les autres ? Est-ce que tu as un modèle de sketchnoteur (se) ?

Béatrice Lhuillier : Il y en a même plein ! Il y a mon amie Céline Pernot Burlet que j’admire beaucoup et qui fait des choses extraordinaires. Dans les français je dirais Céline, après dans les personnes à l’étranger, Eva Lotta.

Les Joyeux Gribouilleurs : Qui est Allemande.

Béatrice Lhuillier : Oui, je crois. Elle fait des choses qui paraissent accessibles. Où on se dit « oui, ça je peux le faire », du point de vue du dessin. Et en même temps c’est plutôt bien construit, ça se lit bien, même si on n’a pas participé à un événement, on comprend absolument la logique de la chose. Ces deux personnes là sont celles qui m’ont le plus et continuent à m’inspirer. Mais il y en a plein d’autres.

Les Joyeux Gribouilleurs : Si tu devais inspirer d’autres gens, quelle serait l’astuce que tu voudrais partager pour qu’ils aient les yeux qui brillent ? Ton astuce à toi de sketchnoteuse ?

Béatrice Lhuillier : Je vais en donner deux. La première astuce c’est de se dire que tout ce qui nous entoure peut-être représenté à partir de formes simples :

Si par exemple je veux dessiner la pause-café, je vais simplement faire un cercle, puis un autre demi-cercle, et qu’est-ce que j’ai fait pour dessiner cette petite tasse à café, c’est simplement tracer un trait, un cercle, un demi-cercle, et des petites lignes brisées :

Maintenant, si tu dois dessiner par exemple une enveloppe, je vais faire un rectangle, je peux éventuellement le faire ouvert, et puis c’est tout, ça fait une enveloppe :

Et si je veux dessiner un achat, souvent les gens me disent : « ah oui, mais un achat c’est conceptuel ». Et finalement, un achat vous pouvez le matérialiser avec un caddie, qui n’est pas si compliqué à dessiner puisque c’est une succession de lignes. Alors effectivement ils me disent « mais oui, un achat c’est simple ! » :

Ou alors communiquer : je vais dessiner deux petites bulles, et c’est suffisant 🙂

Et puis le truc qui fait pour moi la différence entre une sketchnote et une autre, c’est de mettre en relief certains objets. Donc de mettre en place ce qu’on appelle sa grammaire visuelle. Avant même ça, c’est de mettre un petit coup de crayon sur vos dessins et ça suffit amplement pour faire un petit effet « waou ».

En résumé, dites-vous que tout ce qui nous entoure peut être dessiné avec des formes simples, un carré, un triangle, un rond, une ligne, un point, et ensuite, juste avec un feutre de couleur idéalement un peu vif comme un jaune ou un vert un peu vif, ça suffit amplement.

Les Joyeux Gribouilleurs : On peut décomposer en petits dessins, c’est la clé, et ensuite mettre des ombres. On n’a pas besoin d’aller très loin dans la maîtrise du dessin pour illustrer ses idées.

Béatrice Lhuillier : Exactement.

Les Joyeux Gribouilleurs : Et quelle serait ta couleur préférée ?

Béatrice Lhuillier : Dans mes sketchnotes personnelles, très souvent je suis sur noir, gris et rouge, et j’utilise un jaune orangé parce que ça flash bien, c’est assez joli. Aujourd’hui comme je fais aussi beaucoup de sketchnotes pour des commandes pour des projets, je m’adapte à la charte graphique des clients, ou leurs contraintes ou d’autres contextes. J’ai ce que moi j’utilise par défaut et ensuite ce que mes clients ont besoin que j’utilise.

Les Joyeux Gribouilleurs : Pour les gens qui ne te connaissent pas, le rouge c’est la couleur de tes lunettes, c’est ce qui te permet de te faire reconnaître dans la rue si j’ai bien compris (rires) ?

Béatrice Lhuillier : Oui, c’est rigolo, parce qu’il y a quelques années j’étais très souvent dans des couleurs très foncées, en noir, en gris, etc. Et puis à la quarantaine flamboyante (rires) j’ai envoyé tout ça balader. J’ai commencé à mettre de la couleur et autour de moi on me disait « le rouge ça te va bien » ! Alors je suis resté un peu sur les rouges orangés et j’ai opté pour une paire de lunettes : une folie ! Rouge !

Et finalement, je me suis rendu compte que c’est devenu un signe distinctif. Effectivement, on m’a reconnue plusieurs fois dans la rue, dans des cafés. Et là j’ai changé de lunettes récemment et j’en ai prise encore plus grosses et encore plus rouges (rires) pour que ça soit encore plus visible. Je ne sais pas si tu connais Brandy Agerbeck : elle a des lunettes jaunes ! Et l’autre jour j’étais en plein échange avec Heather Martinez : elle a aussi des grosses lunettes noires. Je me suis pensé : « on va faire le trio infernal entre les grosses lunettes noires, rouges et jaunes, on va se faire les drôles de dames » ! (rires)

Les Joyeux Gribouilleurs : Les drôles de sketchnoteuses ! Je reviens sur ton utilisation des couleurs : il y a le noir, le gris et le rouge. Le rouge, c’est pour mettre en relief, en lumière certains éléments de ta composition. Et le gris est-ce pour mettre au second plan certains éléments ?

Béatrice Lhuillier : Alors, ça dépend. Ce que j’ai constaté, et je n’ai rien inventé, c’est qu’en matière de couleur dans le sketchnoting, il ne faut pas en mettre des tonnes. Ce qui est conseillé par les graphistes et qu’on constate aussi en sketchnoting, tant qu’à faire, si vous travaillez en noir plus une couleur, ça marche, n’importe quelle couleur, dès lors qu’elle tranche avec le noir. Donc un rouge qui tranche avec le noir, ça peut être noir et jaune, ou noir et vert ou noir et violet, mais dans tous les cas une couleur qui tranche bien.

Le gris, je l’utilise soit pour faire des ombres, soit pour carrément dessiner les illustrations, de façon à ce que l’illustration soit un peu moins visible que le reste. Dans certains cas – ce n’est pas systématique – quand je ne veux pas que l’illustration ressorte trop, je fais l’illustration carrément en gris. Et après, ce que je conseille aussi, c’est que si vous faites noir-gris, c’est seulement une couleur en plus, ou deux. Si vous en choisissez deux, vous en prenez deux opposées dans le cercle chromatique pour qu’elles se marient bien. Par exemple, si vous avez un violet, un jaune ou un orange marchent bien. Si vous avez un bleu, un jaune marche bien aussi. Vous prenez le cercle chromatique et vous regardez ce qui se situe en face.

Et l’autre astuce c’est de regarder dans les réseaux sociaux les planches qui vous plaisent bien et de regarder ce qui marche. Il y a un ouvrage que j’utilise beaucoup en formation, c’est le « Graphic Recording ». C’est pour les gens qui s’intéressent vraiment bien à ce sujet puisque c’est un gros bouquin. Je l’utilise pour montrer aux gens l’usage de la couleur. Par exemple ici, quand je disais orange et bleu, ce n’est pas un hasard. Orange et bleu ça se marie bien, il y a une petite pointe de vert aussi mais globalement c’est quand même orange et bleu. Il y a d’autres exemples avec vert et jaune. Donc il suffit de regarder des planches, de se dire « ah oui, ça ça marche ! » et de faire pareil tout simplement.

Les Joyeux Gribouilleurs : Merci pour ces conseils ! Nous avons parlé de ton parcours, de ton passé, de tes convictions donc de ton présent, et si l’on regarde plus loin dans tes projets, est-ce que tu veux en partager quelques-uns ?

Béatrice Lhuillier : Le premier projet qui va intéresser les personnes qui te suivent c’est l’ISC, l’International Sketchnote Camp, qui a lieu pour la première fois en France. Et qui aura lieu à Paris, à Louveciennes, du 21 au 23 août. Je fais partie de l’équipe qui l’organise. La première fois ça avait eu lieu à Hambourg, ce sont des allemandes qui ont eu l’idée de créer l’International Sketchnote Camp. Elles avaient réuni une soixantaine de personnes. Le deuxième, l’année dernière, c’était à Lisbonne, on était 120 je crois. Et cette année on attend, on espère, à peu près 150 personnes, peut-être davantage. Dépêchez-vous de prendre vos billets parce qu’il y a déjà la moitié qui sont partis ! 🙂 Et on espère au moins 150 personnes pour échanger sur le sketchnoting, pour être comme je dis, entre doux dingues du marqueur et du feutre. Et parler sketchnotes, matériel, méthode, etc. C’est l’occasion de rencontrer des pointures du domaine qui vont faire des déplacements de partout dans le monde. Si vous vous intéressez à ce sujet il faut vraiment être là, ça va être très très sympa, et on vous a préparé un événement aux petits oignons avec pleins d’animations dans l’animation. Vous ne le regretterez pas !

Les Joyeux Gribouilleurs : En tout cas moi j’y vais, et on pourra s’y retrouver ????

Béatrice Lhuillier : Génial ! Avec grand plaisir. Ensuite je vais évidemment préparer la deuxième saison du sommet online de la pensée visuelle. J’espère l’organiser pour octobre ou novembre. C’est un peu plus loin. Je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant parce que je ne sais pas encore qui va intervenir. Mais ça sera encore sur un format équivalent, c’est-à-dire une succession de conférences en ligne sur des sujets très variés et pas que sur le sketchnoting. J’ai de l’intérêt pour plein de sujets connexes et j’espère faire venir des gens très variés.

Les Joyeux Gribouilleurs : Oui, l’année dernière il y avait des conférences sur les présentations PowerPoint avec Olivier Richard, il y avait Etienne Appert, et beaucoup d’autres intervenants également.

Béatrice Lhuillier : Il y avait 19 conférences. On a traité le mind mapping, le scribing, le bullet journal, le sketchnoting bien sûr, la facilitation graphique, etc. Il y avait aussi l’usage en entreprise, pour montrer toute l’étendue des usages de la pensée visuelle et cette année ce sera avec le même esprit et la même envie de partager ces usages très variés. Ensuite, j’anime une fois par mois les ateliers en ligne gratuits de sketchnotes faciles, où j’invite à chaque fois des personnes différentes sur des sujets très variés. Le prochain sera sur un usage de la pensée visuelle pour les enfants, ensuite on aura quelque chose sur le lettering, on aura un autre atelier sur la créativité, etc. Bref, pas forcément que du sketchnoting. Pour cela, il suffit de se connecter sur www.sketchnotes-facile.com et de suivre sur les réseaux sociaux, notamment sur facebook, il y a un groupe qui s’appelle Passion Sketchnotes où vous pouvez aller et vous aurez toutes les informations sur ces événements-là. C’est gratuit, c’est ouvert à tout le monde, venez vous faire plaisir 🙂

Les Joyeux Gribouilleurs : Oui, le groupe, j’y suis aussi, c’est un super moyen de partager ses sketchnotes et ses gribouillages et d’avoir des retours sur ce qu’on peut améliorer ou pas 🙂

Béatrice Lhuillier : Oui, et là on a plus de 1.200 personnes dans ce groupe !

Les Joyeux Gribouilleurs : J’avais vu le jalon à 1000… (rires) 🙂

Béatrice Lhuillier : Oui, c’est ça. C’est quand même assez actif, les gens partagent des choses, c’est vraiment sympa.

Les Joyeux Gribouilleurs : Donc finalement pas mal de projets en perspective…

Béatrice Lhuillier : Après, il y en a d’autres dans les cartons. Je me laisse un peu porter. On verra, sans doute un autre livre aussi cette année, au moins un, peut-être deux. Voilà… ????

Les Joyeux Gribouilleurs : En tous cas je te souhaite plein de succès dans tes projets et on se reverra au plus tard à L’international Sketchnote Camp, fin août ! J’espère avoir de nouveau l’occasion de t’interviewer là-bas et d’interviewer d’autres sketchnoteurs ????

Béatrice Lhuillier : On ne communique pas trop encore sur ceux qui ont validé leur venue, mais on sait bien sûr que Mike Rhode sera là. Si lui n’est pas là il n’y a pas de sketchnote camp ! (rires)

Les Joyeux Gribouilleurs : Hé oui, c’est quand même lui le père du concept du sketchnote !

Béatrice Lhuillier : Surtout que ça aura lieu à Paris à cause ou grâce à lui, puisque, pour la petite histoire, l’année dernière à Lisbonne il avait dit à l’organisateur « ça serait bien que ça soit Paris l’année prochaine ! » et résultat des courses ça nous est tombé dessus (rires). Et heureusement, on est une petite bande, on est sept personnes à l’organiser.

Les Joyeux Gribouilleurs : Parfait ! Hé bien merci beaucoup Béatrice pour ce temps que tu m’as consacré. Je pense que les auditeurs te diront aussi merci. À une prochaine !

Béatrice Lhuillier : À très bientôt et au plaisir de vous retrouver sur les ondes et en présentiel à l’ISC à Paris ????

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Simina Chirilă
Simina Chirilă
4 années il y a

J’ai tellement apprécié vos idées, vos points de vue, vos arguments, j’ai tellement aimé vous écouter que maintenant j’ai envie aussi d’utiliser votre technique et commencer à dessiner :)).

Félicitations pour cette belle interview et salutations chaleureuses du Royaume-Uni :)!